Il a la vision flou et la tête qui lui tourne. Jamais il n'aurait crut possible de ressentir tel malaise après la mort. Quelle injustice d'être aussi vulnérable et impuissant au delà de l'immortalité! S'il avait respiré, son souffle aurait été de plus en plus faible. S'il avait été sensible au physique, il aurait eut migraine et maux de cœur. S'il avait été comestible, il aurait vomit le peu qu'il lui restait dans l'estomac. Mais plutôt que de cela, il ressent pire. Il se sent disparaître. Il se sent fondre. Dissoudre. Et il craint par dessus tout que cela n'arrive. Dans le corridor, il longe les murs. Il s'y appuie pour se mouvoir, n'ayant plus la force de léviter ou simplement marcher. Son visage est crispé de douleur qu'il ne peut décrire, et il tremble. Sous sa redingote noir, ses gants à la couleur des ténèbres, sur sa barbichette qui retient mal ses gémissement...

Suis-je sur le point de mourir? Comme ça serait paradoxal. Non. Je sais bien que la mort m'est impossible, ou plutôt déjà obtenue pour l'unique et éternelle fois. C'est mon énergie... J'ai voulut la négliger pendant trop longtemps par expérience. Pour pousser mes limites. Maintenant, je me sens à l'agonie. Je ne sais plus ou donner de la tête. Je suis désorienté, perdu... Les logements des Rockwood... N'importe lequel... Vite... Je sais que je trouverai vitae quelque part là. Il le faut! Je me sens... Je me sens disparaître...

Et juste comme il réfléchissait à cela, il leva sa main à la hauteur de son regard. Elle était translucide. Mais pas comme elle pouvait l'être normalement. Non, elle devenait carrément invisible. Petit à petit. Poe serre des dents et, sur son gémissement, redouble d'effort pour se rendre à une porte qu'il aperçoit faiblement à quelques longs mètres de lui. Sur les murs il laisse une traînée poisseuse et sombre, bien trop pour être du simple sang. Il n'a aucune idée de quoi il s'agit, mais il devine qu'il s'agit d'un mauvais signe s'il veut conserver sa forme fantomatique.

Il arrive à la porte, il ne sait à qui elle appartient. Mais il y entre. Il se pousse et passe au travers du bois mat pour s'écrouler sur la moquette une fois de l'autre côté. Terriblement mal en point, il tente d'évaluer sa position en concentrant sa vision sur les murs et le plafond... Acouphène dans ses oreilles et sa vision qui disparaît de plus en plus...

Non, merde... Je veux pas finir comme ça... C'est trop con. Et je pense à cette sale putain qui m'a fait l'agace de gaspiller toute mon énergie inutile... Je ris, je ris comme dernier souffle qui n'en est pas un. Mais je n'ai plus la force de me relever. Saloperie... Je tiens pas à m'éteindre comme ça... Mais je le sens. C'est finit. Au moins... Au moins mon passage ici n'aura pas été vain. Je garde sourire en pensant à tout ce que j'ai pu faire. Quelle merdier! Tiens... Tiens, une peinture... Un cadre... Il s'agit de... De Rockwood dans son jeune temps? Non... Non... C'est une toile de Alexis... Et merde... J'espère que ce gosse me pardonnera pour avoir flanché aussi bêtement... Oh et puis tant pis... À quoi bon maintenant de penser à ça?

Disparaître. Disparaître pour ne laisser derrière soi que quelques traînées de romans. Oh! Poe aura déjà disparut, d’entre cercueil. Mais toujours il avait su, grâce à la famille Rockwood, qu’il aurait la deuxième chance de l’éternité… Ce qu’il avait gaspillé sans faire gaffe de croire en sa propre faiblesse. La peau qui n’était plus devenait de plus en plus transparente et s’écoulait à la mélasse une énorme flaque de noir. Si dense, et si puante, que son propre cadavre se serait retourné dans son cercueil. Impossible, toutefois, de savoir si cadavre il y avait toujours. Le dernier chant du damné faisait échos dans son ouïe abaissée, tombait les dernières gouttes de ses regrets et de ses murmures…

La mort m’enlace tranquillement comme une vieille amie. La première fois a été horrible. La deuxième le serait tout autant, quoi que bien moins jolie. Ah! C’est décevant. J’aurais aimé honoré la plus belle des meurtrière et sa faux d’étoiles davantage. Lui écrire quelques psaumes et lui réciter les berceuses à mes derniers souffles sans vie… Adieu, monde. Adieu, vie. Adieu, mort. J’ai l’impression que Alexis me regarde et me sourit sur sa toile à l’huile. Ha! Tiens, Adieu, Ale…

« Edgar ?! Est-ce vous ? »

J’ai l’impression d’inspirer un énorme souffle tellement le choc est grand. C’est un sursaut, carrément, une symphonie de branchies impossibles dans mes entrailles de défunt. C’est un dernier espoir, la dernière parcelle d’énergie qu’il me reste : ma vision se rétablie parcellement et mes sens s’émeut devant tant d’espérance et s’exclame d’une dernière vigueur.

L’écho de l’enfant maintenant si grand résonna dans ses tympans qui, peu à peu, captaient un synonyme de vie à travers l’effondrement. L’instinct de survie est purement psychologique, la preuve étant que Edgar tenta ironiquement de ne pas mourir. Pas pour une deuxième fois, du moins. Il chercha Alexis du regard et le trouva au dessus de lui. Après tant d’années d’union, le jeune Rockwood savait reconnaître Edgar et quelques chaleurs au cœur il put avoir si son myocarde avait toujours été en place. Lui qui avait toujours été là pour le charmant petit monstre d’Alexis aurait maintenant besoin de lui pour ne pas flancher.

Alexis lança un autre appel en verrouillant la porte de la porte du logement. Poe lança son invisible bras à sa cheville au moment même où il déposa pied sur le sol à l’endroit propice où le mourant pouvait l’atteindre. Alexis avait, en lui, cette chimie et cette énergie sempiternelle et profonde qui lui conférait tous ses pouvoirs. Si Edgar pourrait lui en voler un peu, juste assez, il saurait se délivrer de l’emprise étouffante qui lui retirait ce qui le faisait fantôme.

J’empoigne à la volée la cheville d’Alexis et je sens un picotement étrange, très étrange, dans cette peau translucide. Mes membres prennent couleurs, ma peau reprend son teint livide, mes cernes se bercent de sombre comme mes iris avalent le brun. Mes vêtements retrouvent le noir de leurs funérailles et je retrouve ma vision en pleine possibilité. Mon seul sens, avec le touché, qui m’est resté. Alexis doit se sentir mourir pendant que je lui vole de son énergie vitale de la sorte… J’aimerais pouvoir lui dire que tout ira bien, qu’il n’en aura pas pour longtemps encore… Mais je n’ai la force de la voix.

Il lâcha le jeune homme lorsqu’il eut sentit qu’il avait ingéré assez de ce pouvoir de l’orbe qui grouille en les veines du jeune homme. S’il avait toujours eut poumons, il aurait été essoufflé à l’instant. Mais il était sur le sol, maintenant visible et d’apparence vivant, à quatre pattes à essayer de se relever. Ses membres frissonnaient la terreur et le choc d’avoir absorbé tant d’énergie en quelques secondes seulement.

Je me redresse péniblement. La douleur strie mon visage qui gémit sans son. Je regarde Alexis et pose une main sur son épaule. Je ne le remercie pas pour cet infime sacrifice que je lui ai pris sans permission. Toutefois, je m’excuse, humblement :

« Je suis désolé… Jamais je n’aurais désiré que tu me vois dans cet état… Ça va? »

M’excuser pour autre chose me semblait trop orgueilleux et futile. M’assurer qu’il allait bien après que je lui ai aspirer de son énergie vitale m’était primordiale puisque je m’étais juré de toujours veiller sur lui.

Poe racla sa gorge et cracha de ces caillots noirs qui enduisaient maintenant les murs du corridor adjacent, démontrant qu’il avait fait ces souillures. Son gant de cuir à son poignet alla essuyer le bord de sa bouche et il reprit son dos droit d’habitude, comme si rien de tout cela ne c’était passé et qu’il avait à porter toute la dignité et la fierté du monde sur ses épaules. Lentement, il passa ses mains gantées dans ses cheveux pour les replacer d’un geste instinctif.

« J’ai foutu en l’air toutes mes réserves d’énergie… Je devais faire quelque chose et vite. J’ai pensé à venir te voir. Tu m’en veux pas trop, hein? »

Petit tic énervé qui plissa les rides de son visage mais qui ne dura pas. C’était de la pure politesse. Et avouons-le, aussi, de l’amour.

Le fantôme-même était essoufflé, mais sans poumon. À sa façon. Regarder Alexis perdre force lui rappelait une nostalgie magnifique. Voir la brute maintenant invincible regagner l'état de faiblesse enrageante reflétait ses sept ans. Où il eut été tout aussi dépourvu et impuissant. C'était adorable à admirer, et assez réconfortant de voir que celui que Poe appréciait tant ne changerait jamais. Que ce soit de ses traits, de ce qu'il peut faire ou de son caractère de forte tête.

« Non, ça ne va pas. Tu m'as volé mon énergie sans même me demander la permission. »

Je ris faiblement. Je n'avais rien à craindre de lui, et de toute façon plus grand chose ne m'impressionnait. Ce rire est plutôt de la bonhommie, celle de retrouver la stabilité par le comportement insoutenable de toujours d'un être cher. Oh, Alexis... Tu auras toujours cet air robuste qui prouve que tu ne te laisseras jamais marché sur les pieds. Ne le perds jamais, je t'en prie, tu en deviendrais tellement moins attachant...

« T'en fais pas, petit. Il t'arrivera bien pire, dans ta vie. Tu verras, clama l'écrivain comme si tout cela n'était rien du tout. Et bien sûre que j'aurais pu aller voir n'importe qui d'autre, mais ça aurait été beaucoup moins amusant. »

Comme pour l'agacer encore plus.

On agace ceux que l'on aime, non?

La vraie raison était que Poe n'aurait jamais, au grand jamais, dévoilé autant de faiblesse à une autre personne. Devant celui qu'il avait déjà vu en couche, il n'y avait plus de gêne ou d'orgueil à avoir. Devant tous les autres, il aurait préféré mourir encore une fois.

« Ne t'inquiète pas, je ne recommencerai jamais ça... souffla-t-il en sachant très bien ce qu'Alexis voulait dire.»

Moi non plus, je ne voudrais pas te dire adieu de si tôt.

Poe ne s'inquiétait pour quiconque – rarement lui-même – sauf Alexis. Étrangement, voir la personne qu'il avait vu grandir et qu'il avait couvé quelques fois d'exception en bon cheminement le rassurait. Jamais il n'aurait prit la brute pour son propre fils, et cette idée le répugnait plus que l'émoustillait. Mais Alexis n'était rien d'autre qu'une œuvre, un personnage exquis à qui s'attacher jusqu'à l'aimer pour de vrai. Pas comme un fils. Comme un neveu, d'accord...

Je vais au rideau de la fenêtre que je tire pour essuyer le peu de taches noires qu'il pourrait rester sur ma veste. Et je souris en coin.

« Ça fait changement que de te voir invincible comme toujours. Dis, tu... »

Je m'arrête un moment, parce que je sais qu'est-ce que je vais dire. C'est comme bien trop s'inquiéter, mais je n'y peux rien. Je me sens terriblement concerner par Alexis. Par ce qu'il vit, et ce qu'il pourrait vivre... Je le sais débrouillard, très débrouillard – je suis, après tout, fièrement participant de son apprentissage. Et je ne peux faire autrement que de m'inquiéter pour lui. Pour les bonnes raisons, non pour n'importe quel bêtise comme les stupides parents poules.

« ...crains-tu la mort, Alexis? Crains-tu le moment où la bête plus coriace que toi coupera ta route? »

Il pensera que j'en fais trop. Je sais très bien que non. Personne n'est immortel. Et surtout pas notre cher petit Alexis. Quand même bien qu'il déteste se faire traiter de petit, il le sera toujours.

Pour Poe.