Célébrité : Gillian Anderson Mementos : 197 Date d'inscription : 19/12/2013
Sujet: Re: Messe Basse. [ Strathearn - Hodge ] Jeu 29 Jan - 19:45
messe basse
Je n'étais qu'une imbécile. Une abrutie finie. Et je n'allais obtenir que ce que je méritais.
Fort heureusement, ç'avait été mon père qui découvrit le premier le panier aux vipères. A découvrir que les livres de médecine ne me suffisaient plus et que, dans l'incapacité flagrante de me faire accepter par aucun enseignant ni le plus modeste cabinet d'étude – trop jeune, trop insignifiante, trop frêle, trop femme, je venais à bout de ma curiosité et de ma frustration en pillant des tombes anonymes que personne n'ouvrirait jamais plus, dépouillant des cadavres de morceaux de chair morte sur lesquels personne ne poserait plus jamais les yeux. Il avait été stupéfait. Était entré dans une fureur noire. Je m'étais tue, mais avait tenu bon. Il s'était finalement calmé – après avoir copieusement sermonné l'étrange engeance qui lui tenait lieu de fille. Personne n'aurait gagné à provoquer un scandale, n'est-il pas vrai ? Alors j'allais me taire, il garderait le silence en me gardant à l’œil, et trouverait rapidement à me faire épouser – histoire de ne pas prendre de risque, et me forçant à une vie rangée en compagnie d'un homme de basse noblesse – c'était ce que je pouvais espérer de mieux, au vu de ma situation. Je protestai vivement, affirmant dans un indéniable mensonge que si je devais me marier, ce ne serait jamais qu'à la science. Il me demanda ce que ma piètre personne comptait bien apporter à cette vaste discipline.
Je commis alors sans doute la plus belle erreur de ma courte vie. Je lui parlai de la Machine.
Dans les jours qui suivirent, je commençai à sentir peser sur moi certains regards étranges en provenance des membres de ma famille. Puis, le temps passant, je captai accidentellement d'étranges conversations. Je n'ai pas le désir de les rapporter ici. Mais j'avais eu l'imprudence de faire part à mon père des visions que l'Humain et la Machine m'inspiraient, des perspectives que leur union offrait à mes yeux, et je le regrettait. Ils croyaient que je me prenais pour Dieu. Ils croyaient que j'étais une meurtrière. Ils croyaient que j'étais dangereuse – et je pense que je leur faisais peur. Alors leur décision fut prise. Et quand, un soir, alors que je gardais les yeux ouverts dans le noir, j'entendis une clé tourner précautionneusement dans la cellule de ma confortable chambre, j'eus toutes les peines du monde à garder mon calme.
Je devais sortir ce soir là. Je devais aller voir Hamish. Au fond, ce léger incident – si discret et pourtant si lourd de sens – ne perturba guère mes projets pour la nuit. Mes mains furent simplement plus tremblantes tandis que je m'habillais et que je nouais mon manteau autour de mes épaules. Mon souffle moins régulier lorsque je fis pivoter avec plus de lenteur que jamais les battants aux gonds bien huilés de la fenêtre qui donnait sur l'extérieur. La descente, le contact brutal avec le sol – rien d'inhabituel. Je pressai le pas en parcourant la rue mal éclairée, puis, lorsque j'estimai enfin être totalement hors de vue, je me mis à courir.
Je ralentis en atteignant les abords de Whitechapel. Oh, une silhouette d'allure féminine aurait certainement couru plus de risques que moi – or, rien dans ma tenue, depuis mes bottes sombres à faibles talons jusqu'à mon long manteau noir qui ne révélait qu'un individu d'allure relativement filiforme, en passant par un quelconque pantalon et une tunique qui n'était pas exposée à la vue de quiconque, n'aurait pu conduire les passants – s'il en était – à m'attribuer un autre statut que celui d'androgyne. Un jeune homme, voilà ce qu'ils auraient cru voir. Cela ne me mettait pas en sécurité pour autant.
Au détour d'une ruelle, l'église s'offrit subitement à ma vue. Je marquai un temps d'arrêt. Qu'allais-je donc faire ici ? Ma famille projetais mon internement dans un futur proche, on tâchait de m'enfermer à double tour durant mon sommeil, et tout ce que je trouvais à faire, c'était d'aller me perdre dans les bas-fonds de Londres, histoire de passer quelques heures innocentes en compagnie du Dauphin de la Couronne ? Et après ? Je rentrerais, et on me passerais la camisole de force ? Un frisson courut le long de mon échine tandis qu'un sourire cynique étirait lentement mes lèvres. Non. Je venais de le réaliser – bien que mon intention eût été claire dès que j'eus enjambé la rambarde de ma fenêtre, je n'allais pas remettre les pieds dans les lieux où j'avais passé la grande majorité de ma courte vie. Je ne tolérerais pas d'être livrée aux mains d'infirmiers. Je partirais, je fuirais, je ne savais pas ce que je ferais, mais je ne resterais pas ici. Je ne vivrais pas en démente. Je préférais mourir.
Une ombre bougea. Un homme, adossé aux monumentaux murs de pierre. Un demi-sourire douloureux toujours fiché en travers de mon visage, je m'avançais jusqu'à pouvoir distinguer plus précisément la silhouette qui se mouvait dans l'obscurité. Hamish. Présent. Comme convenu. C'était sans doute la dernière fois que je le voyais. Autant faire en sorte que je ne le regrette pas.
« Est-ce vous ? »
Sa voix, basse, s'éleva délicatement dans l'air froid. La conscience de ma situation présente, et, pire, la réalisation de ce qu'allait être ou ne ne pourrait être mon existence future faisait trembler mes mains et glaçait mon sang dans mes veines, mais je restai étonnamment calme.
« Bien sûr. Qui voulez-vous que ce soit ? »
Je me tenais encore à quelques pas de lui. Durant quelques instants, je cherchai son regard, et laissai le silence se déployer. Et, finalement, je repris la parole. Brièvement. Je ne savais comment faire part de l'étrange situation dans laquelle je me trouvais, ni de la détresse qu'elle m'inspirait et que je préférait nier. Alors je fis de mon mieux pour maintenir une esquisse de sourire et une voix qui ne me trahirait pas.
« Vous savez... Ce soir, je viens vous dire adieu. »
Célébrité : Gillian Anderson Mementos : 197 Date d'inscription : 19/12/2013
Sujet: Re: Messe Basse. [ Strathearn - Hodge ] Mer 4 Mar - 15:15
messe basse
Mes mots firent plus de mal que je ne l'aurait cru. Je ne bougeai pas, baissai à peine les yeux en l'écoutant me répondre comme si je l'avais blessé, le voyant du coin de l’œil s'agiter inutilement avant de se laisser tomber – l'expression était plus appropriée que s'asseoir – sur le banc duquel il venait de se lever afin de me saluer. Puis, sans même me regarder, il m'accusa de mensonge. De mensonge. Moi. Envers lui. Je le foudroyai du regard. Mais ses yeux étaient cachés derrière ses paumes, et il ne me voyait pas.
« Mensonge ? » répondis-je d'une voix glaciale. « Vous n'avez pas la moindre idée de ce dont vous parlez, Hamish. »
Je m'approchai de lui. Mes mains tremblaient. Je n'étais pas dans mon état normal, et cela devait se voir. Cela devait même s'entendre dans l'intonation de chaque mot que je prononçais. En fait, j'étais furieuse. Furieuse contre moi-même, qui avait eu la stupidité d'évoquer un sujet qui aurait dû rester à jamais confiné dans mon propre esprit. Furieuse contre ma famille, ma propre famille, qui avait l'audace de vouloir me faire interner sans même m'en parler directement – envoyer sa propre fille à l'asile d'aliénés, il fallait déjà être capable de l'envisager. Et furieuse contre Hamish, qui se trouvait être le seul individu à ma portée sur lequel je pouvait donc reporter ma fureur. Il était là au mauvais endroit, au mauvais moment.
Cependant, je parvins à me calmer. Hamish n'avait rien à voir dans cette histoire, je l'avais probablement plus blessé qu'autre chose, il méritait quelques explications. Je tâchai de décrisper mes poings – que j'avais inconsciemment fini par garder serrés à l'intérieur des poches de mon manteau – et forçai le deuxième héritier royal en ligne directe à ôter ses mains de son visage – lui plantant sans doute quelque peu mes ongles dans les paumes au passage, mais cela n'avait aucune importance. Et, au final, je gardait ses mains dans les miennes. C'était un comportement parfaitement inconvenant, j'en suis parfaitement consciente. Mais, expliquez-moi un peu, qu'avais-je à perdre, au point où je me trouvais ? J'inspirais. Expirais. Et me lançais. Les faits. Rien que les faits, Kathleen.
« Écoutez-moi. Je suis loin de vous mentir, et je viens vous dire adieu – laissez-moi en finir avec ce que j'ai à dire. Mon père planifie mon entrée de force à l'asile demain – longue histoire. Probablement un aller simple. Simplement, je n'irai pas, Hamish. Je m'en vais. Ils ne me retrouveront pas. Je préférerais mourir que finir... Là-bas. »
J'étais restée très calme durant toutes mes explications – mes mains tremblaient toujours, bien sûr, mais il n'y avait chez moi rien d'autre de remarquable. Je baissai les yeux.
Ancien métier : Illusionniste/Prince Localisation : Sur les toits. Célébrité : David Duchovny Mementos : 618 Date d'inscription : 30/06/2014 Age : 29
Sujet: Re: Messe Basse. [ Strathearn - Hodge ] Jeu 26 Mar - 15:07
- Messe Basse -
Le mensonge. Comme si je ne savais pas de quoi je parlais. Mon existence elle-même est un mensonge. Elle est la seule personne à pouvoir faire ressortir la vérité de mon corps presque emprunté. Je perds mes yeux dans les ténèbres pour oublier la triste réalité. Celle que son départ risque effectivement de retourner en mensonge. Ses paroles pourtant tintèrent à mes oreilles d'une manière que je n'aimais pas. Ce n'était pas le message en lui même qui me choqua, mais la manière de la dire. Sa voix était hachurée, non comme la voix d'une personne qui parlait posément en séparant chacune de ses syllabes. Je redressais ma tête en sa direction, la regardant s'approcher. Serrer les dents est tout ce que je pouvais faire, malgré toute mon envie de lui faire cracher cette vérité.
Elle ne pouvait pas me dire adieu comme cela, de cette manière aussi détachée, sans qu'il y eut quelque chose, ou quelqu'un qui l'obligeait. J'essayais en vain de trouver une explication, en attendant de l'avoir de sa bouche. J'avais presque espoir que ma famille avait fini par tout découvrir et qu'au lieu de la tuer, ils avaient décidé de lui laisser une chance de vivre, mais ce serait ridicule. Ou peu coutumier à la famille royale...Je fis craquer mes doigts dans le silence qu'elle venait de laisser dans la nuit, essayant de retrouver un peu de calme. Mais même après que la colère soit passée, c'était à présent la tristesse qui agitait mes sens. Je baissais la tête à nouveau entre mes mains, les pensées tournoyant dans mon cerveau, songeant à mon frère, à ma famille, à mon existence cachée. Mais au final, il n'y avait rien d'autre que cette phrase: "Je ne veux pas qu'elle parte".
Soudainement, tandis que mes pensées tentaient de me ramener au centre du tourbillon de mes émotions, je sentis des mains prendre les miennes. Une petite douleur se fit sentir sur ma peau, ses ongles. Plantés dans mes mains, colère ou refus de partir. Peut-être les deux. Toujours était-il que je levais la tête vers elle, la regardant mais n'osant sourire, même tristement. Il n'y avait rien dans mon coeur qui me permette de sourire à cette seconde. L'idée de perdre une amie proche avait éloigné de moi toutes ces possibilités. Elles tremblaient, ses mains. Je finissais presque par en trembler moi-même. Je scrutais son regard, d'un air suppliant qui demandait la vérité. Elle me la donna. Cette vérité qui petit à petit, transformait mon visage. Passant de la pitié à l'horreur. J'étais accablé de savoir que sa propre famille voulait l'enfermer chez les fous. Elle n'avait rien d'une folle, au contraire. Je resta interdit une seconde en songeant qu'ils voulaient l'enfermer...oui...sa famille ne changeait pas de la mienne au final. Je continuais de la regarder, la priant de continuer à parler. Mais elle baissa la tête et se mit à pleurer.
Que pouvais-je faire à une si grande détresse ? Gardant ses mains dans les miennes, je me levai pour la surplomber de ma taille. Elle ne partira pas là-bas, effectivement. Je le refusais. Ne pouvant alors plus me retenir, mes bras passèrent autour de son corps et le serra, essayant de la consoler.
Je suis terriblement désolé...veuillez me pardonner d'avoir été si brusque. Vous ne partirez pas...je vous le promets. Mais il est hors de question que vous risquiez votre vie. Je tiens beaucoup trop à vous et à notre amitié.
Mon coeur battait très fort. La détresse de l'adieu, l'accablement de la découvert...et le soulagement de savoir qu'elle n'y était pour rien dans tout ça. Ce n'était pas elle qui voulait partir. Tout ceci était plus d'émotions en une nuit que je n'en avais jamais vécu, et pourtant je "jouais" ma vie presque tous les jours avec les gardes du palais. Je soupirais en m'écartant d'elle, me rendant compte de l'inconvenance d'un tel acte. Oh...et puis au diable les inconvenances. Je pris un mouchoir en tissu de ma poche et entreprit de sécher les larmes qui avaient librement glissé sur ses joues.
Mais faut-il donc que vous me disiez adieu ? Où partiriez-vous d'ailleurs ? Ne pourrais-je partir avec vous ? Vous êtes la seule personne qui sache la vérité sur moi, et cela m'est précieux.
Ma voix n'avait plus aucune once de colère ou de tristesse. Juste un calme simple et noble, celui avec lequel on m'avait éduqué.
Célébrité : Gillian Anderson Mementos : 197 Date d'inscription : 19/12/2013
Sujet: Re: Messe Basse. [ Strathearn - Hodge ] Ven 3 Juin - 0:08
MESSE BASSE
« never let me go »
La crise n'avait duré que quelques dizaines de secondes. Je repris rapidement contenance. Lorsque je sentis la main d'Hamish effleurer mon visage de son mouchoir, absorbant mes larmes, j'avais déjà retrouvé mon calme. A peine ma poitrine était-elle agitée, ça et là, d'un maigre sursaut, vestige nerveux de sanglot. Je me raclais la gorge pour chasser de ma voix toute trace de détresse et finit d'essuyer mes yeux rougis par le fluide salé d'un revers de main. Je toussotai encore un peu. Puis j'osai à nouveau lever les yeux vers l'être dont j'étais le plus proche sur cette terre. Je soupirai légèrement.
Hamish m'offrit des excuses. Des paroles sensées et des paroles qui me touchèrent. Mais au vu de la situation, seule la brutale réalité de ma qualité de fugitive à venir – et à venir très rapidement – parvenait véritablement à m'atteindre. Je souris, mais d'un air très détaché. J'aimais Hamish. Profondément. Je tenais à lui de toutes les fibres de mon être, de toute mon âme, pour peu que l'on admette ce concept. J'avais conscience de la prétendue inconvenance de mes gestes, mais au vu des circonstances, qu'importait ? Je repris les mains du jeune homme dans les miennes et les massai doucement, du bout de mes doigts aux ongles coupés courts.
« Je ne sais pas où j'irai. Je n'ai pas vraiment de famille qui puisse m'accueillir. Je ne pense vraiment pas être en sécurité à Londres. »
J'avalai ma salive et méditai encore un court instant. Je sentais l'instabilité nouvelle de ma situation créer une vague de froid paniqué à l'intérieur de ma poitrine, mais le contact des mains de mon aimé m'assurait une forme de sérénité.
« Je vais quitter la ville... Ils me retrouveront de toute manière si je ne le fais pas. »
Je ne voulais pas partir. Je ne voulais pas le quitter. Pas comme ça. Maintenant que je pouvais contempler ce fils bâtard de roi en m'imaginant que je le voyais pour la dernière fois, je ne pouvais qu'envoyer au diable la décence et les convenances. Un élan de tendresse me traversa, et je tâchai de le réprimer. Sans succès. Obéissant à une impulsion, j'entourai le torse d'Hamish de mes bras et le serrai contre moi du plus fort que je le pouvais. Son cœur battait près de ma clavicule, et je me sentais vivante, et heureuse, mais vraiment curieusement vivante. Je soupirai presque de soulagement.
« J'ai tant d'affection pour vous. Si j'avais su que nous aurions si peu de temps... Si vous pouviez venir... Je... »
Et ma voix se perdit à nouveau dans la confusion de mes pensées.
La fraîcheur de la nuit était un voile consacré sur ma peau. Je croyais pouvoir véritablement cacher le trouble de ma personne, tandis que ses mots me déchiraient impitoyablement le cœur. Inlassablement, je passais le mouchoir de papier le long de cette joue blanche. Dans ma tête, j'eus la sensation que cette seconde dura une éternité. Une fissure dans le temps où il n'y avait plus que ses larmes à essuyer, qu'une tristesse à effacer. Mais lorsque sa joue fut sèche, le temps reprit. Car les horloges n'ont aucune pitié avec les sentiments.
C'était ainsi dans cette langueur d'âme qu'elle prit mes mains dans les siennes. M'étendre sur les émotions qui s'éprirent de mon cœur à cette seconde ? Je n'étais qu'un idiot. A cette simple seconde, je savais pourtant que ma place était faite. Dans ce monde glacé qui n'avait fait que me cacher et me rejeter, j'avais finalement trouvé ce que des hommes souvent ne possèdent jamais -qu'importe leur liberté. Une place. Mais pas n'importe laquelle. La place. Celle où l'on savait que l'on pouvait mourir, l'esprit heureux. Car quand elle prenait mes mains, ce contact -en somme tout bête, me murmurait que j'étais exactement à l'endroit où que je devais être. A ses côtés. Sa peau contre la mienne. Son regard dans le mien, sans gêne ni honte. Ses iris d'un bleu si froid dans lesquels je trouvais pourtant une chaleur toute nouvelle. Était-ce finalement ça l'amour ? Je n'aurai su le dire. Ce sentiment était bien plus fort que cela. Devant la détresse de sa voix qui perdait de son âme au fur et à mesure de ses paroles, je voulu avoir un sourire tendre. J'ignore si cela fonctionnait mais qu'importe. Rien que pouvoir lui sourire, j'en rêvais en marchant jusqu'ici, la peur au ventre. J'admirais son courage et serra davantage ses mains entre les miennes. Rendant ses caresses autant que je le pouvais. Quitter la ville, c'était la solution la plus simple pour nos deux problèmes. Un souvenir, pas si vieux que ça, revint en ma tête. Mon meilleur ami, que j'avais refusé de suivre à Rome. Même si cela pouvait me sauver la vie. Car ici se trouvait Kathleen. L'idée de l'abandonner m'était insupportable.
- Je peux vous trouver un protecteur.
Cette phrase, lancée avec conviction, me plongea dans une intense réflexion. Qui pouvait bien la protéger pour moi ? Mes alliés peinaient à se compter dans l'ombre. Tout le monde était aux pieds de la Reine, ma mère. Personne jamais n'oserait monter une protection sans sa bénédiction. Aucun être ne serait jamais assez fou. Déjà je me voyais la faire entrer dans le palais. Mais dans quel but ? Lui faire vivre la même vie que moi ? Elle méritait tellement plus. Hors de question de la soumettre à mes ténèbres.
Cependant, mes pensées furent soudainement stoppées. Avec une brutalité que je ne pouvais m'empêcher de penser trop douce, les bras de ma tendre dame m'entourèrent. Je lui rendis l'étreinte avec un amour indicible. Le capharnaüm de mon esprit s'était tu pour faire place au silence de la nuit. Aux battements de son cœur. A sa respiration. Des fois, le bonheur ne peut se savourer qu'en secondes. Des secondes comme celle-ci. Puis vint des mots, qui vinrent comme arrachés de son désespoir. La narration doit savoir s'arrêter. Je serra encore davantage son corps contre le mien, appréciant chacune de ses paroles.
- Ma dame...Kathleen...l'affection que vous me portez, je la partage. Je n'ai pas les mots pour vous le déclamer, malheureusement. Il semblerait que vous me faites perdre mes mots...
Un doux rire s'échappa de mes lèvres. C'était juste incroyable. L'émotion me faisait oublier le danger. Il me faisait penser que la fraîcheur de la nuit était aussi brûlante que mon propre cœur. J'aurai aimer m'attarder indéfiniment. Lui prendre les mains. Apaiser son cœur et la faire asseoir sur le banc. Regarder la rue se réveiller et le soleil se lever sur cette ville, sur ce monde qui ne nous comprenait pas. L'idée me vint alors. Comme un flash soudain, le nom de la seule personne assez folle pour nous aider m'apparut comme une vision. L'une de mes mains passa la courbe de son dos, remonta le long de sa nuque pour savourer ses cheveux dans une simple caresse.
- Je sais ! Connaissez-vous Lord Jeremiah Rockwood ? C'est un vieil ami de la Reine, mais c'est aussi un des seuls hommes de ce pays à pouvoir prétendre échapper à son contrôle. Si nous demandons sa protection, je suis certain qu'il nous l'accordera.
Comment à présent se présenter devant lui ? Cette question restait en suspens. Mais ma joie était telle que je ne pouvais m'en inquiéter. Je n'avais qu'une envie, la prendre dans mes bras et virevolter. Doucement, je posai mon front contre le sien. Sans jamais quitter son regard des yeux, comme si cela pouvait signer ma fin. Je ne pouvais savoir qu'à des mètres d'ici, l'on pouvait déjà entendre les bottes marcher jusqu'à cette rue. Les gardes de nuit avaient été informé de ma fuite nocturne. Ils n'avançaient pas bien vite -mission de routine.
-Oui...il nous l'accordera. Je refuse ne serait-ce que d'imaginer le contraire. Car à présent, je préférerai mourir plutôt qu'être séparé de vous. Le temps ne sera bientôt plus qu'un lointain souvenir, je vous le promets.
Mon cœur battait beaucoup trop pour entendre ma fin venir.