Ancien métier : Illusionniste/Prince Localisation : Sur les toits. Célébrité : David Duchovny Mementos : 618 Date d'inscription : 30/06/2014 Age : 29
Sujet: "Le Clair de Lune." [ Strathearn - Hodge ] [Fini] Ven 25 Juil - 19:46
Le Clair de Lune.
Pourquoi n'avais-je pas quitté ces habits pour sauter par dessus le muret de pierres? Mon grand manteau rouge et or est à présent plus léger d'un morceau de tissu arraché par un piquet de fer. Les gardes ne tarderont pas à retrouver ma trace au petit matin, comme toutes les fois. C'est à se demander pourquoi je n'essaie pas de faire plus attention...ou pourquoi je continue tout simplement de faire ça. La dernière fois, c'était pour observer un feu de fête que les habitants avaient allumés sur la place du village. C'était tellement beau que je n'en voulais pas à l'un des paysans d'avoir appelé les gardes un peu avant l'aube pour venir me récupérer. Il faut dire aussi que je n'avais pris aucune précaution. Mais quelques heures dans le cachot m'avait fait comprendre qu'il fallait que je me fasse plus discret la dernière fois. Et oublier mes habits de noble, par exemple. Mais ce soir, la précaution était inutile, je n'allais qu'au cimetière. Non pour aller voir quelques personnes de ma famille. Vous savez bien que la famille du Roi possède son propre caveau royale, voyons, ils ne se mêlent pas à la population. J'en soupire presque, cela aurait été bien mieux.
Le livre de sorcellerie que j'avais récupéré dans les hautes étagères de la bibliothèque royal parlait d'une potion. Les écritures étaient brouillons, mais j'avais pu en déterminer les ingrédients. C'était bien tout ce qu'il restait de cette page aux accents de rouilles et aux dessins médiévaux. D'un âpre sourire, je décida avant de partir pour le cimetière qu'il fallait tester pour connaître le nom. Tant pis si je me retrouvais avec des cloques sur le visage pendant une semaine. Au nom de l'alchimie, il fallait tenter! Je m'approche des premières tombes, le clair de lune en couvre la plus grande partie d'un voile des plus doux. C'était beau et propice à l'écriture d'un poème, mais ce n'était pas dans mes intentions directes. Après tout, il y avait plus important à faire. Un petit panier à la main, mon manteau de velou déchiré sur les épaules, je dois avoir l'air d'un clochard. Quel déchéance pour un homme de la noblesse. J'en rigole, vu que je n'ai jamais été considéré comme tel. Personne n'est au courant de mes actions, bien que tous savent que j'ai tendance à la fuite. Passant à travers les tombes, je vois une tignasse rouge s'agiter au loin. Mes sourcils se froncent d'incompréhension. Une autre personne dans ces lieux? C'était bien la première fois que je la voyais.
Je m'en approche à petit pas. Mais après tout, si je suis ici pour des raisons personnelles qui ne sont nullement des envies de meurtres, il n'y aurait pas de surprises qu'elle aussi. Elle, car je n'ai pas de doutes sur la nature de l'individu. J'arrange mon manteau du mieux que je peux, pour apparaître le moins sauvage possible. Une mèche sur mes yeux disparait d'un coup de doigts. La curiosité a tué le chat, voyons voir si je peux user l'une de mes neufs vies.
Bonsoir, Mademoiselle, beau temps pour faire le tour des cimetières, vous ne trouvez-pas? Que puis-je pour vous?
Dernière édition par Hamish C. Of Strathearn le Mer 30 Juil - 14:29, édité 1 fois
Kathleen Hodge
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Célébrité : Gillian Anderson Mementos : 197 Date d'inscription : 19/12/2013
Sujet: Re: "Le Clair de Lune." [ Strathearn - Hodge ] [Fini] Lun 28 Juil - 14:04
Le Clair de Lune.
L'incompréhension des hommes m'a appris à aimer la nuit. La nuit sombre et dissimulatrice... J'ai compris qu'il me faudrait me cacher sous sa toile noire piquetée d'étoiles pour parvenir à poursuivre mes recherches en paix. Car certaines choses ne doivent pas être montrées au monde... Oh, non... Et c'est ainsi que je me retrouve, moi, jeune fille de famille aisée, à errer dans la brume londonienne à des heures indécentes, couverte d'un manteau plus noir que mes actes, une pelle pendue tant bien que mal à mon flanc. Direction les terres du repos éternel.
†
L'acier mal affûté entaille la terre avec acharnement. Humide et collante, la glaise ne se détache en mottes qu'après des assauts répétés. Je serre les dents et, avec un effort silencieux, enfonce toujours plus profondément la pelle dans la matière noire sous mes pieds. La tombe sur laquelle j'ai jeté mon dévolu est pourtant fraîche, mais la pluie froide du ciel anglais a eu tôt fait de transformer l'argile déjà dense en un magma froid et épais, difficile à creuser. La boue gicle sur mes bottes, et jusque sur mes genoux. Peu importe. J'ai dans ma besace de quoi m'habiller de manière correcte avant de regagner ma chambre. La tâche à laquelle je suis occupée me répugne toujours autant, mais il n'y a pas d'autre moyen pour moi de continuer à travailler. Et puis, personne ne se sentira lésé par la perte de ce que je vais prélever. Ils sont morts, ils sont morts, non ? Que leur importe leur enveloppe charnelle ? Autant qu'elle serve aux vivants.
†
Enfin, j'atteins le cercueil. Sapin, d'assez mauvaise facture. Tout ce que la famille pouvait s'offrir, j'imagine. Ou, du moins, tout ce qu'elle estimait digne de l'homme enterré là. L'élément indésirable, peut-être. Tout foyer en possède un, j'imagine. Mais le moment n'est pas à la réflexion. Tenant fermement le manche de la pelle à deux mains, j'entreprends de racler la terre qui recouvre encore le coffre de bois. Je m'avance jusqu'à poser mes pieds à hauteur des genoux du cadavre, et élève l'outil à hauteur de mes yeux. Si notre jardinier savait à quoi elle sert... Pauvre homme. Il en ferait un infarctus. Je jette un coup d’œil circulaire autour de moi. Je suis toujours seule, il me semble. Il vaudrait mieux – je ne tiens pas à être reconnue. Inutile d'exposer les raisons qui me poussent à l'incognito, je suppose. J'inspire profondément, crispe mes poings sur le manche de hêtre, et abat d'un coup sec le tranchant de la pelle dans le cercueil. Un son mat, puis un craquement peu discret suivent mon geste. Les battements de mon cœur s'accélèrent, et un léger frisson secoue mon échine tandis que du coffre brisé s'élèvent les effluvent mêlées de la pourriture et des parfums utilisés pour l'embaumement. Je reste un moment interdite, à contempler les détails du corps révélés par la fissure ouverte dans le cercueil : un coin de chemise relevé, un éclat de peau blanchâtre, la lèvre d'une cicatrice. Durant quelques mortelles secondes, je me retrouve si absorbée par la beauté morbide du spectacle que j'en baisse stupidement ma garde, jusqu'à ne pas entendre approcher l'individu dont, subitement, la voix s'élève dans l'air froid de minuit.
« Bonsoir, Mademoiselle, beau temps pour faire le tour des cimetières, vous ne trouvez-pas ? Que puis-je pour vous ? »
On imagine aisément le sursaut de terreur que me cause cette subite apparition. Je pivote brutalement sur mes pieds, la pelle brandie à la façon d'une hache de guerre, pour me retrouver – contre toute attente, face à un homme d'apparence tout à fait flegmatique, désarmé, seul, et portant un manteau assez... délabré. Ce n'est pas pour autant que j'abaisse mon arme improvisée. Et, bien qu'il m'ait tenu un discours tout à fait cohérent – bien que peu approprié à la situation, les seuls mots que je parviens à lui retourner sont de courtes phrases paniquées.
« Qui êtes-vous ? Vous êtes de la Police ? Que faites-vous ici ? »
Seigneur. Je risque combien, pour de la profanation de sépultures ? Devrais-je lui donner un coup du plat de ma pelle et m'enfuir ? Non, ce serait pire. Mon Dieu, mon Dieu, qu'est-ce que je vais faire ?...
Ancien métier : Illusionniste/Prince Localisation : Sur les toits. Célébrité : David Duchovny Mementos : 618 Date d'inscription : 30/06/2014 Age : 29
Sujet: Re: "Le Clair de Lune." [ Strathearn - Hodge ] [Fini] Lun 28 Juil - 21:18
Le Clair de Lune.
Le vent souffle dans mon manteau tel une brise sur le sommet d'un arbre. Bien heureusement, je ne plie pas face à sa douceur et reste bien droit. Tel que l'on me l'a appris. Qu'il était bien aisé d'avoir droit aux meilleurs précepteurs du pays, quand bien même l'on était considéré comme le sale rejeton qui n'aurait du jamais existé. Mais bon, il fallait quand même me garder en vie. Qui sait, on avait besoin d'un joker, au cas où le premier mourrait. Parce que dans ma pauvre vie dans une cage dorée, je n'étais que cela. Un joker. Quand je n'étais pas l'invisible. Enfin bon, il était clair que je n'allais pas être invisible pour les yeux des gardes quand ceux-ci viendront me chercher au petit jour. La nuit est la seule alliée à mes divagations. Je l'avais bien compris. Sorcellerie pour seule refuge de mon enfermement, le jardin royale ne contenait pas ce que je désirais. L'ingrédient dont j'avais besoin se trouvait dans ce cimetière. En montant sur l'un des plus hauts mausolées de cette place, j'étais persuadé que je pourrais voir les lumières du château. Peut-être même pas besoin d'y grimper en réalité. Mais je n'avais pas le temps de le vérifier.
Devant moi, cette femme à la chevelure rousse s'inquiète avec emportement. Cela semble assez compréhensible, cette pelle brandie contre moi ne semble pas du tout faite pour faire pousser des jonquilles. Et à observer le trou que je pouvais voir à côté, cette hypothèse ne pouvait qu'être encore plus écarté. Voilà donc quelqu'un d'autre à qui l'obscurité offrait sa protection. Ravi de ne pas être le seul. Pas un seul nuage dans le ciel, permettant à la pleine lune d'offrir une lumière quasi solaire sur le lieu. C'est ainsi que je pus observer plus en détail le visage de cette jeune femme. Elle n'était pas vilaine, et semblait bien plus sincère en tout cas que la grande majorité des femmes que je pouvais voir à la cour. Ceux-ci ne juraient que par la profusion de leurs vêtements et de leurs maquillages. Plus de fastes, toujours plus de gloires. J'avais l'impression de voir une vraie personne devant moi. Quelqu'un de vraiment vivable. J'ose alors un sourire un peu plus grand et monta mes mains à hauteur de ma tête pour lui montrer que je n'avais rien pour lui faire du mal. A sa question, j'eus un petit rire. Après quelques secondes, j'arrange mon manteau pour lui redonner de sa splendeur de naguère et fait une révérence princière.
Je ne suis pas de la Police, n'ayez aucune crainte. Mon nom est Hamish et je viens faire un peu de cueillette. Cela vous dérangerait-il?
La totalité de mon nom de famille devait rester dans le secret pour le moment. Que dirait-elle si elle savait qu'elle venait de rencontrer le frère jumeau de celui qui allait devenir Roi d'Angleterre? Est-ce qu'elle changerait totalement de visage pour revêtir le masque de ceux qui veulent à tout prix plaire à la famille royale? Je n'avais pas envie de vivre cela une nouvelle fois. Assez des mensonges. Je m'approche d'un pas, espérant l'avoir apaisée de mes mots. Je montre un endroit à côté de la tombe de pierre. Une plante s'y dresse bien gentiment, attendant d'être utilisée. De l'euphrasia à l'odeur des plus délicates. C'est de celle-ci dont j'ai besoin, et je prie intérieurement pour que cette jeune femme me laisse la récupérer sans m'asséner un coup de sa pelle. Après un petit coup d'oeil autour de moi pour vérifier si personne ne nous voyait, j'ose poursuivre.
Je ne veux que cette plante qui se trouve à côté de vous. Rien de plus, je vous le promets.
Célébrité : Gillian Anderson Mementos : 197 Date d'inscription : 19/12/2013
Sujet: Re: "Le Clair de Lune." [ Strathearn - Hodge ] [Fini] Lun 28 Juil - 23:48
Le Clair de Lune.
Le jeune homme face à moi rajuste son manteau alors que je continue à le fixer d'un air anxieux. Si j'en juge par la qualité de l'étoffe qui le couvre, je dirais qu'il n'est effectivement pas de la Police. Même camouflé en civil, aucun des hommes chargés de la bonne garde de la ville n'auraient la possibilité de se couvrir d'une telle étoffe.
« Je ne suis pas de la Police, n'ayez aucune crainte. Mon nom est Hamish et je viens faire un peu de cueillette. Cela vous dérangerait-il ? »
Je hausse les épaules sans baisser ma garde, et sans répondre à son léger rire par un quelconque signe d'amitié ou de confiance. Cet individu ne m'a pas l'air agressif, dangereux, psychopathe ou quoi que ce soit, mais... Tout de même. Je ne suis qu'une jeune fille armée d'une pelle en acier, encore à une certaine distance de la majorité, debout au milieu de la nuit et profanant des tombes dans le secret. Il me semble avoir de quoi m'inquiéter. Cela dit... Si vraiment il s'agit de cueillette, je ne vois pas quoi en quoi je devrais m'interposer. D'ailleurs, cet homme n'a pas l'air bien vieux non plus – quoique sa vigueur soit très supérieure à la mienne et de manière visible. Je me contente de garder mes yeux bleus clair ancrés sur le visage de mon interlocuteur. Oui, je suis méfiante. Oui, je le surveille. D'autant plus que, au vu de la noirceur ambiante, je ne distingue que les deux perles brillantes de ses yeux et la forme très générale de son visage.
†
Il s'approche d'un pas qui me fait frémir, mais aucun geste menaçant n'accompagne son avancée, et je recouvre mon sang-froid. Quelque chose près de la pierre tombale attire son regard, et il ne tarde pas à pointer du doigt un emplacement que je suis suspicieusement des yeux. Quoi ? Cette plante ?
« Je ne veux que cette plante qui se trouve à côté de vous. Rien de plus, je vous le promets. »
Je m'écarte d'un pas en faisant craquer le cercueil fendu sous mes pieds et, avec une raideur certaine, consent à abaisser mon arme de quelques dizaines de centimètres. Les manières aimables du jeune homme et son attitude tranquille lui confèrent une sorte de... Je ne sais pas, une sorte d'aura à l'influence apaisante. Malgré la situation, je me sens en une sécurité relative.
« Faites donc... Hamish. »
Seigneur. C'est peut-être la première fois de ma vie que je me retrouve à nommer un quelconque personnage par son prénom quelques minutes à peine après notre rencontre – et quelle rencontre... Cela donne à cette entrevue une note de transgression agréable. Du moins, une note supplémentaire de transgression, étant donné qu'il y a fort longtemps que mes actes ont basculé dans l'illégalité. L'homme peut donc poursuivre en paix ses activités nocturnes tandis que je prie intérieurement pour son départ rapide. Ce n'est rien de personnel, simplement, je viens d'éventrer une tombe pour prélever des morceaux de cadavre. Je préférerais donc ne pas languir ici – et du travail de découpe m'attend encore. De plus, le contact de l'air n'est pas bénéfique pour la chair.
†
Tandis qu'Hamish – autant l'appeler par son nom – s'occupe de sa plante verte, je me risque à allumer une bougie. Rien de fantastique, rien qu'une flammèche dans l'obscurité, simplement histoire de voir dans quoi je vais trancher. Alors que je la pose à proximité de la tombe, sur la terre fraîche, un éclat de lumière jaune pâle tombe sur un angle du visage du noctambule – et je reste un instant interdite. Ces cheveux... Cette mâchoire... Quelque part, mon esprit sait précisément qui est l'individu que j'ai sous les yeux – et cette idée me cause un trouble mêlé de surprise probablement visible depuis l'extérieur. Le prénom Hamish ne m'est pas particulièrement familier, mais...
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Sujet: Re: "Le Clair de Lune." [ Strathearn - Hodge ] [Fini] Mar 29 Juil - 12:15
Le Clair de Lune.
Si ce jeune homme s'était simplement fendu d'un haussement de sourcils assorti d'une banalité telle que Il ne me semble pas ou Je crains que vous vous trompiez, les choses se seraient arrêtées là. J'aurais présenté mes excuses pour cette confusion tout en remettant en cause ma mémoire – car elle n'est pas infaillible. Honnêtement, je n'aurais pas insisté, et aurais conservé le souvenir de cet individu comme Hamish, ressemblant vaguement à quelqu'un que j'ai oublié. D'ailleurs, la conversation aurait dû en rester là. Mais ma question semble le déstabiliser bien plus qu'elle ne le devrait. Il semble paniquer, puis reprendre ses esprits en contemplant un instant les étoiles avant de me sourire sans paraître beaucoup moins inquiet. Je ne sais que dire, ni que faire – je reste stoïque. Ma réflexion, quelque peu maladroite sans doute, n'en était pas moins innocente, mais elle semble avoir éveillé en mon vis-à-vis des soucis plutôt démesurés par rapport à mes attentes. Il lève les mains comme un prisonnier en fuite face à son geôlier. Son regard vire à la supplique.
« Je peux tout expliquer. »
Il suffisait de me répondre par la négative, vous savez. Je vous aurais cru, et tout aurait été simple. A présent, je suis simplement confuse. Pourquoi vouloir vous expliquer ? Vous ne me devez rien. Je n'aurais pas insisté, même si votre dénégation n'avait pas été crédible, je vous assure.
†
La perplexité m'impose le silence jusqu'à ce qu'il se décide à reprendre lui-même la parole.
« Au fait, vous connaissez mon prénom, mais je ne connais pas le vôtre. Pouvons-nous nous mettre sur un pied d'égalité avant de poursuivre...? »
Je déglutis avec une certaine difficulté. Cette demande est légitime – d'autant plus qu'il ne fait que me retourner la question, mais... Je ne peux pas répondre à cela. Que lui importe mon identité, après tout ? Il aura sans doute oublié mon existence dès qu'il aura tourné les talons. A moins qu'il n'aille ensuite me dénoncer au poste de police le plus proche ? Je me mordille la lèvre inférieure avec angoisse. Je ne peux pas, je ne dois pas courir ce risque. Allons... Pour ce que cela m'en coûte, je peux bien m'offrir le luxe d'une fausse identité pour cette nuit. C'est sans doute le moins risqué. Et puis, ce n'est pas comme si cet acte allait être riche de conséquences. Après tout, rien ne m'assure que, de son côté, le prénom qu'il m'ait annoncé soit véritablement le sien. Très bien. Ces réflexions m'apaisent, et je retrouve mon calme. J'abaisse totalement mon arme comme dans un moment de résignation, tâchant de le persuader par ce geste et mon sang-froid recouvré que j'accepte de baisser ma garde devant lui.
« Très bien. S'il ne vous faut que cela... Je m'appelle Camille. »
Célébrité : Gillian Anderson Mementos : 197 Date d'inscription : 19/12/2013
Sujet: Re: "Le Clair de Lune." [ Strathearn - Hodge ] [Fini] Mar 29 Juil - 15:13
Le Clair de Lune.
J'accueille le commentaire à propos de mon prétendu prénom d'un infime hochement de tête. Je ne juge pas utile de le remercier. Ces phrases-là sont rarement sincères, et ne sonnent à mes oreilles qu'à la manière de banalités de conversation. Toujours sans un mot, j'écarte la pelle et la dépose hors de la tombe – sans lâcher du regard l'inconnu à l'identité trouble. Je rajuste mes cheveux et les écarte de mes yeux alors qu'il s’assoit à proximité du cercueil fendu – imperturbable – en continuant à me sourire. Je ne bouge pas. Il paraît que c'est l'heure des révélations. Je jette un regard sceptique à la hauteur de la Lune – ce n'est pas que je ne sois pas curieuse, mais avons-nous le temps pour cela ?
« Venez vous asseoir. Vous serez certainement plus à l'aise. »
Je hausse les épaules – ma manière de dénier l'offre. Je ne suis peut-être qu'une jeune imbécile, une hors-la-loi par-dessus le marché, mais je suis venue ici pour une raison précise. Une raison qui me vaudrait de sacrés ennuis si je me faisais prendre – particulièrement devant un cercueil grand ouvert. Et je ne compte pas revenir d'ici les mains vides. Pivotant sur mes hanches, j'extrais de ma besace un large couteau de cuisine. Notre cuisinière aussi ferait une crise cardiaque si elle savait par quoi était passé son instrument de travail. Le sac de cuir rejoins le sol avec un claquement mou alors que l'homme reprend la parole face à mon silence.
« Qui croyez-vous que je sois ? »
Ah. La confession n'est pas si facile que prévu. Dommage. Je dois bien avouer que cet individu a piqué ma curiosité. L'épaisse lame serrée entre mon poing droit, j'élève ma main libre à hauteur de mon visage et place mon index replié contre mes lèvres, le front plissé par la réflexion. Je ne sais pas qui il est. Tout ce dont je suis sûre, c'est qu'il me semble l'avoir déjà vu. Je ne sais ni où, ni quand... Mais, après tout, s'il veut jouer aux énigmes... Je vais lui dire ma pensée comme elle vient. Ce n'est pas décent – c'est même scandaleux, d'après les préceptes que l'on s'est efforcé de m'inculquer. Mais je ne suis plus à cela près. Je continue à l'observer d'un regard scrutateur – et tout aussi malséant, avant de soupirer et de m'agenouiller sur la tombe, écartant les éclats de bois de mes mains nues ou du manche de mon couteau – on se poserait des questions si je rentrais un tant soit peu blessée.
« Tout d'abord... Excusez-moi, mais le temps me presse quelque peu, et j'ai à faire. Vous n'avez pas l'air de vouloir vous y opposer, et je vous écoute malgré tout. »
L'épaule et une partie du torse du cadavre s'offrent à ma vue. L'homme n'étais pas très gras, de son vivant. J'entaille la chair autour de l'articulation et m'efforce d'en trancher les ligaments. Je me lance en parallèle dans mon raisonnement, conscient que mon interlocuteur – ce prétendu Hamish – doit m'observer d'un drôle d'air. Mais je n'en ai cure.
« Venons-en au fait. Honnêtement, je ne sais pas qui vous êtes. Je ne sais même pas où je vous ai déjà vu. Cependant, je vous reconnais. Si j'en juge par le manteau que vous portez... »
Un craquement sonore d'os interrompt ma phrase, et je termine d'arracher le bras avec un grognement d'effort. Ma respiration s'accélère légèrement tandis que j'enfouis mon trophée dans ma besace, sous un linge.
« ...et qui est constitué d'une étoffe très riche, vous devez faire partie de la noblesse. Si ce n'est de l'entourage royal. Je n'ai pas pour habitude de fréquenter celui-ci, cela dit. Alors, je ne sais pas. Peut-être vous ais-je aperçu lors d'une réunion mondaine. Peut-être n'étais-ce même qu'une photographie, un portrait... »
Je lève à nouveau mes regards vers lui et lui sourit à mon tour, un peu moins effrayée par sa personne que je ne l'étais auparavant. Il me semble que la crainte qu'il a malgré lui exprimée me fait me sentir plus forte face à lui, tout simplement.
« Allons, dites-moi. Qui êtes-vous ? Suis-je juste dans mon raisonnement ? »
Célébrité : Gillian Anderson Mementos : 197 Date d'inscription : 19/12/2013
Sujet: Re: "Le Clair de Lune." [ Strathearn - Hodge ] [Fini] Mar 29 Juil - 17:51
Le Clair de Lune.
Je médite ses propos durant un laps de temps qui, pour ne constituer que quelques secondes, me semble excessivement long. Je me suis redressée, les genoux humides de terre froide, et le fixe avec une attention extrême mêlée de surprise. Mon sourire a disparu, remplacé par un pincement de lèvres. Le Dauphin ?... Mes yeux clairs se plissent dans l'obscurité tandis que la lumière se fait à l'intérieur de mon esprit. J'essaie de distinguer les détails de son visage. L'angle de la mâchoire, la teinte de ses cheveux – impossible à décrire au vu de la noirceur ambiante, la courbure de son nez... Et le souvenir me revient, éblouissant.
†
C'était lors d'une réception donnée par Madame de... De je-ne-sais-plus-quoi, une grande dame en somme, lors de laquelle on me somma de paraître, en tant que jeune fille de bonne famille. Ma mère, ainsi que tous les domestiques, me répétèrent cent fois que jamais peut-être je n'aurais la chance d'approcher si près de la cour – et quelle honneur pour ma famille si je parvenais à faire chavirer un cœur dans les hauts rangs de cette noblesse... J'étais donc chez cette dame, aux côtés de sa fille, qui dirigeait le cercle des jeunes âmes féminines. Le luxe et la magnificence des lieux n'étaient pas loin de me choquer. La manière dont tout brillait, étoffes, verre et pierreries, à la lueur des candélabres. Je portais pour l'occasion l'une de ces abominables robes à tournures, et je crus mourir vingt fois de suffocation, tant j'avais passé ma jeunesse à éviter l'épreuve que constituait le port du corset. A dire le vrai, je finis par me trouver vraiment mal – mais l'on mit cela sur le compte de ma faible constitution, et la demoiselle de la famille nous fit passer à des occupations plus calmes. Un quelconque jeu de cartes, dont je n'ai conservé aucun souvenir.
Là, pourtant, surplombant la table ronde ornée de marqueterie, se trouvaient des portraits. Et, surtout, ce portrait. Oh, j'étais bien incapable de donner le nom du dixième des individus peints là, mais celui-ci, par sa taille et l'ornement de son cadre, me laissait penser qu'il s'agissait là de quelqu'un d'important. Je m'était discrètement enquis de son identité auprès de ma voisine de table. Cette dernière avait étouffé un petit rire avant de me regarder avec malice.
« Êtes-vous sérieuse, ma chère ? Mais il s'agit du Dauphin ! »
Je m'étais sentie sotte. Et j'avais dissimulé mon embarras par la contemplation du tableau susdit.
†
Je vois, à présent. Et je peux vous répondre, Hamish – ou qui que vous soyez.
« Pas vraiment... Je sais à quoi il ressemble, bien que je ne l'aie jamais rencontré... »
J'avoue que c'est déroutant de voir des portraits nous ressemblant sans que cela ne soit véritablement nous.
Un déclic se produit en moi tandis que je suis toujours à genoux sur le cercueil tailladé, mon couteau de boucher fermement tenu entre les phalanges de ma main droite. Si je comprends bien, cet homme tâche de me faire croire qu'il est de la même lignée que l'héritier royal, et que je le confonds avec lui. Et, pour ce que je sais de ce sujet, cette affirmation me fait osciller entre la colère, le choc pur et simple, ou encore la perplexité.
« Vous êtes en train de me dire que vous êtes le frère du Dauphin ? Écoutez, je ne suis peut-être pas très instruite à ce sujet, mais tout de même... Le... Le Dauphin n'a pas de frère. »
Je n'ose pas poursuivre mon discours plus loin, mais... Je pense sincèrement avoir sous les yeux le véritable héritier royal, jouant les noctambules sous une fausse identité. Ce qui est stupide, s'il veut mon avis. Mais, s'il est réellement le Dauphin, mes pensées ne lui importent probablement guère – et les lui rapporter ne m'apportera rien de bon. Car, s'il en va effectivement ainsi... Je viens de me comporter en criminelle devant l'autorité royale du royaume. Cette idée me heurte comme un coup de marteau ; je me lève et reste tétanisée, sans même lâcher mon couteau, à deux doigts de prendre la fuite en courant. Mes joues ont probablement pâli de manière notable, et je ne sais absolument pas quoi faire de ma personne. Pitié. Dites quelque chose. Vous ne pouvez pas être le Dauphin, et vous ne pouvez pas ne pas l'être.