Felix était satisfait de constater que le type avec l'installation sur le visage n'avait pas tenté de lui reprendre les allumettes une seconde fois. Il regarda alors à l'intérieur de la boîte. Il y avait six petits bouts de bois. Et avant qu'il ne les ait perdues, il y en avait... Bah, il s'en souvenait plus. Six, sept, huit ? Quelle importance ? Il venait de les retrouver, et c'était là l'essentiel. Felix écouta alors ce qu'il se disait autour de lui. La fille parla, ainsi que le type au visage familier et pour finir, il entendit qu'on l'accusa. Il ne leva pas les yeux avant de commencer à se défendre :

- Ce n'est pas parce que les allumettes sont à moi, que j'ai obligatoirement...

Il s'interrompit. Celui qui venait de l'accuser était le blond. Le blond qui se tenait devant une cheminée. Cheminée sur laquelle se tenait une horloge. Horloge qui faisait son bruit singulier et répétitif. "Tic". "Tac". "Tic". "Tac". Ses yeux se fixèrent, comme aimantés, sur la trotteuse qui faisait le même aller-retour à un intervalle de temps régulier. Enfin... Presque régulier. Il y avait un léger décalage d'une fraction de secondes. Une vieille horloge, probablement. En tout cas, il fallait la réparer, la remettre en état. Mais ses yeux se posèrent alors sur l'audience qui commençait à crier autour de lui. Mais il n'entendait pas. Seulement les "tic tac" de la pendule. Encore. Et encore. Cela commençait à lui marteler les tempes. À en devenir insupportable. Son souffle devint court. Il baissa la tête et recula de quelques pas. Ils n'avaient pas le temps. Toujours le même bruit incessant dans le crâne qu'il se prit entre les mains avant de se courber en deux.

- Pas le temps... Pas le temps...

Qu'il arrête. Maintenant. Avec la paume de sa main, Felix se donna un coup brutal et sec sur la tempe, en poussant des cris enragés. Puis, il en poussa un ultime et long rugissement, dans le but de l'aider à se sortir à cette souffrance mentale, essayant de couvrir le bruit obsédant de l'horloge qui semblait le narguer depuis la cheminée. Il fallait l'arrêter. Le plus vite possible. Avant qu'il n'ait plus le temps. Dans un souffle rauque, il se saisit d'un vase et tenta de l'envoyer vers l'horloge. Dans sa folie aveuglante, il manqua complètement sa cible et arrêta de s'en soucier alors que la poterie voltigeait dangereusement vers l'homme au visage familier. Felix changea alors de technique et se précipita vers l'horloge. Sur son passage, il repoussa violemment le type qui clignotait d'un violent coup d'avant-bras dans le visage, ne se soucia absolument du fantôme qu'il venait de traverser et ne vit qu'au dernier moment le blond en plein sur sa trajectoire. Dans un réflexe, il positionna son épaule en avant. Le choc fut rude et violent. Felix, en chutant, aperçut du coin de l'œil le blond tomber sur la fille. Il s'écrasa alors lourdement dans la cendre, s'étouffant à moitié avec le nuage de poussière qu'il venait de soulever. Puis, il resta là. Sans bouger, haletant, les yeux brûlants et exorbités, les oreilles produisant un bruit strident.

Cette scène de crime était un véritable dédale dont le minotaure était Lord Rockwood. Les prisonniers présents dans la pièce étaient tous prit au piège. Ils avaient désormais un peu moins d’une heure pour trouver le véritable coupable d’avoir démarré l’incendie et pourtant, à la plus grande déception de Maggie, ils étaient tous en train de discuter, de s’accuser, à l’exception de Morgan, alors qu’elle, elle tentait de prendre le rôle d’Ariane et sortir chacun des innocents de ce labyrinthe avec son fil. Malheureusement, la scène de crime ne semblait pas, à première vu, montrer grand indice.

Le petit groupe s’animait alors que celle-ci poursuivait ses observations. N’étant certainement pas chimiste, elle n’aurait pas pu dire ce qui avait servit à alimenter le feu. On savait qu’il avait été démarré avec une allumette, mais rien de plus. Alors qu’elle allait poser un regard plus sérieux sur le bout de papier, Maggie entendit l’un des prisonniers s’emporter, se mettre à paniquer. Se redressant, elle posa son regard pâle sur lui. Voyant la poterie se diriger sur Morgan, celle-ci eut envie de crier sa peur. Au diable la scène de crime, Morgan était plus important. Mais sans même pouvoir se rendre jusqu’à lui pour l’aider, celle-ci fut bousculée par le blond de la bande. Écrasée par ce dernier, Maggie sentit toutes ses blessures sur son corps la faire souffrir en même temps. Le souffle coupé, celle-ci toussa un peu, non seulement à cause de la cendre, mais aussi à cause de l’impact qui l’avait empêché de respirer durant quelques secondes. Elle cherchait son souffle.

Prenant une grande respiration après quelques secondes, Maggie ouvrit les yeux grandement, restant là encore quelques secondes. La douleur étant intense, elle ne pu bouger pendant quelques brèves secondes, le temps de reprendre le dessus sur la douleur. De toute façon, elle dû attendre que le blond s’enlève pour se retourner avec difficulté. C’est à ce moment qu’elle tomba nez à nez avec le bout de papier, le regard croisant alors un mot en particulier, ou plutôt un nom : le sien. Fronçant les sourcils, Maggie s’agenouilla avec difficulté et non pas sans douleur, et prit le morceau de papier dans ses mains. La peur au ventre, elle essaya de lire ce qu’elle pouvait sur le morceau de parchemin : « […] évident que […] Jamais je n’aurais cru […] pourtant […] tendre Maggie […] sans sa confiance […] perdu […] tant de violence dans […] aurait cru […] n’ai […] désir […] ce qu’il me restait […] avec la haine et le mépris qui me ronge […] adieu à tout ces […] »

Ce n’était pas beaucoup, mais l’air troublée, Maggie ne pu s’empêcher de faire le lien entre ces écrits et ses blessures. Peut-être était-ce simplement parce qu’elle en souffrait physiquement au moment actuel, ou bien peut-être était-ce à cause du mot violence, mais malgré cela, elle revint rapidement à la réalité. Gardant le papier dans ses mains, elle posa son regard toujours troublé sur Morgan. Avec difficulté, elle se leva et se dirigea vers lui, ignorant les autres. Son bras entourant son ventre, elle tendit le papier à son ami, la main légèrement tremblante. Elle pensait avoir reconnu son écriture, mais n’en était pas tout à faire certaine. Seulement lui pourrait le lui confirmer. En attendant, elle ne dit pas mot, préférant garder ça entre eux pour le moment, au cas où quelqu’un déciderait d’accuser l’un d’eux.

Tu devrais laisser tomber, petit papillon. Guillaume savait bien qu'Adèle essayait juste de le faire sortir de ses gonds. Et elle n'était pas loin de réussir. Le petit magicien serra les poings en fermant les yeux, ignorant de son mieux les remarques désagréables que les autres lui adressaient. Surtout ce gars clignotant là. C'était... Insupportable. Pas de soutien, petit papillon ? Même pas des tiens ? C'est ennuyeux... Le ton se faisait moqueur à présent. Bizarrement, Guillaume sentit ses yeux se remplirent de larmes mais il les refoula de son mieux. Tout ça pour une allumette grillée et un tapis - très laid - réduit en cendre. Franchement, c'était ridicule.
Et puis le pire arriva. Enfin selon Guillaume, la suite des événements était bien plus grave que les accusations portées sur le petit groupe. Alors qu'il fixait toujours le mur, hésitant entre les larmes et la colère, un hurlement se fit entendre. Trois secondes plus tard, une force colossale le jeta au sol et il tomba le nez dans la poussière, un poids le maintenant par terre. Avec un cri de surprise, il se débattit un instant. Réfléchis, petit papillon... Réfléchis. Sauf que les conseils d'Adèle, Guillaume, il n'en avait absolument rien à faire. Il attrapa la première chose qui passait et qu'il identifia bientôt comme des cheveux et tira de toutes ses forces. Lamentable... RÉFLÉCHIS. La conscience du petit magicien vacilla, comme la flamme d'une bougie soufflée par le vent. Mais voilà, Guillaume restait quelqu'un de borné et s'il n'avait pas décidé de laisser sa place, il ne la laisserait pas. Alors il réfléchis. D'une certaine façon, il obéissait aux ordres de cette présence intruse mais elle avait souvent raison. Malheureusement. Avec un cri étranglé, il rejeta ce poids - en notant au passage que celui-ci ne l'avait pas vraiment agressé - et le renversa sur le dos. Aller aller ! Adèle dansait à présent. Elle exultait et exhortait Guillaume à continuer. Cette carte, c'était son malheur personnel et sa meilleure amie. Et lorsqu'elle était heureuse.... Bah Guillaume l'était aussi. C'était aussi simple que cela. L'un ne pouvait aller sans l'autre. Aller aller ! Ah ah !

« Aller aller ! Ah ah ! »

Les larmes s'en étaient allées. A présent, le petit Guillaume souriait mais son regard s'était légèrement voilé. Sans trop savoir qui de lui et d'Adèle était aux commandes, il plaqua le type à la mèche blanche, Félix, au sol et le regarda bien en face. Le sourire doux qu'il arborait contrastait bizarrement avec les flammes fiévreuses de son regard bleu. Oui oui oui ! Adèle était aux anges. Elle aimait tellement Guillaume lorsqu'il décidait de lui-même - ou presque - de quitter son calme habituel... Elle appréciait tellement les rares instants où il abandonnait cet air de garçon timide et un peu bizarre pour revêtir... Les pensées d'Adèle s'interrompirent. Elle aimait ce garçon, c'était tout, et ce garçon l'aimait. Une carte et un humain, c'était... Magique ! Et puis Adèle lâcha prise, préférant largement donner les commandes à Guillaume.

« Est-ce que tu m'aimes, Félix ? »

Juste un murmure, juste une phrase parfaitement déplacée. Mais ça semblait approprié à Guillaume qui ne perdit pas de temps et changea aussitôt de sujet. Portant lentement les mains au cou du jeune homme à la mèche blanche, il serra tranquillement. Oh, Félix se défendrait, c'était ce qu'il attendait avec impatience.

« Peut-être... Qu'on t'a volé tes précieuses allumettes et que tu es innocent ? Ou peut-être pas... »

Amusant comment, dans une situation comme celle-ci, chacun pouvait vaquer à ses propres occupations. A peine une minute auparavant, Guillaume avait vu Morgan et la fille se tenir dans un coin, occupés à autre chose. Amusant aussi comment la moindre « preuve »... Le petit magicien serra un peu plus, son sourire s'agrandissant. Oui oui oui ! Et puis la porte s'ouvrit et le petit univers que Guillaume et Adèle s'étaient construit s'écroula.

« Félix aurait vraiment été stupide d'abandonner derrière lui tant de preuves, vous savez ? »

Et bien qu'il soit à moitié assis sur ledit Félix, le ton de Guillaume était posé.